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La branche Duhulquo à Saint Domingue, Cuba puis la Nouvelle Orléans.

Pierre Joseph Duhulquod est baptisé le jour de sa naissance, le 3 mars 1766, en la paroisse Saint Barthélémy de La Rochelle (image 7, en haut à gauche). Son acte de baptême le dit « né du mariage légitime entre le Sr Mathieu Joseph Chrisogone Duhulquod marchand chapelier et Marie Marguerite Gatineau ».

Son nom complet aurait dû être Pierre Joseph Hérigothie Hauteville Duhulquod si on se fie aux actes de baptême de ses frères et sœurs.

Son arrière-grand-père  avait fait souche dès la fin des années 1600 à La Rochelle où il était capitaine de navires et partait souvent pour l’Amérique, soit pour le commerce ou la pêche au Canada,  soit pour le commerce et le transport  des engagés à Saint Domingue au début des années 1700. Celui-ci était natif d’Urrugne au Pays Basque et fils de Dominique de Hirigoity et de Dominica Duhulco. Les descendants se feront appeler le plus souvent « Hirigoity dit Duhulco » qui de transformation en transformation deviendra simplement  « Duhulquod ».

 

Saint  Domingue

Dès 19 ans Pierre Joseph émigre à Saint Domingue. Il traverse l’Atlantique sur le navire « Les treize Cantons » qui quitte la Rochelle le 21 mai 1785 à destination de Port au Prince.(A.N. Colonies F 5b 57)

En juin 1786 il épouse Louise Thérèse Contaud  à Port au Prince alors qu’il est mineur.(image 16 à droite) .Il la connaît de La Rochelle car ils ont été tous deux témoins d’un baptême en 1784 à Laleu (Charente Inférieure). Leur mariage, précédé d’un contrat notarié, se fait sous la responsabilité de son tuteur, Jean Abraham Hugon, négociant, et  l’époux est dit « horloger dans cette ville du Port au Prince y demeurant en la paroisse de l’Assomption ».

De ce mariage, naîtra Louise Joséphine  le 13 mai 1787, à Jérémie, où le couple s’est établi.

C’est la seule descendance connue de Pierre Joseph mais, d’après un acte de notoriété  qui sera passé bien plus tard (1814, à la Nouvelle Orléans), son épouse Louise Thérèse décèdera en 1791 à Jérémie et sa fille décèdera 6 mois après.

Pierre Joseph épousera par la suite en 1792, Marie Antoinette Blanche Libert, puis, suite au décès de cette seconde épouse en 1801, il épousera l’année suivante Marthe Vercasson qui était veuve de Claude François Maignien, avocat au conseil. Il est alors « commerçant et tenant l’orfèvrerie, la bijouterie et l’horlogerie à Jérémie »

A cette époque il devient actif dans la franc-maçonnerie locale. Dès 1801 il est membre de la Loge  « La Réunion des Cœurs » établie à Jérémie. On peut trouver des actes de franc-maçonnerie signés de sa main dans  les fonds maçonniques à la BNF 1 ou dans le fonds Chatillon aux AD 33.

En parallèle il sera commandant en chef de la Garde Nationale de Jérémie, sans qu’on ait plus de détails sur le sujet.

Santiago de Cuba

Les évènements à Saint Domingue autour de 1802 le conduisent à émigrer à Santiago de Cuba où il est propriétaire d’une maison dès la fin 1803. Il a  laissé tomber son travail d’horloger et a établi une modeste exploitation de café

Son nom apparait dans le document « Quelques idées sur l’Isle Espagnole de Cuba » par Alexandre Joseph Lambert inspecteur colonial de la Guadeloupe, rapport écrit en 1807. Il possède une caféière dans un quartier de Santiago de Cuba, Sacatecas, une plantation de taille moyenne parmi les soixante-dix de la colonie française de cette ville.(AN, AFIV 1609 plaque 4,fol 117-139). Cette plantation est aussi citée dans les Archives Nationales de Cuba ( ANC Real Consultado Leg. 92 n° 3929, vu dans thèse A Yacou p 315). En 1807 elle employait 14 ouvriers  ("peones" ) et contenait 36 000 pieds de café ce qui en faisait tout de même la plus grande de Sacatecas.

A Cuba il continue son activité maçonnique et la loge « la Réunion des Cœurs » de Jérémie a été transférée à Santiago de Cuba. Le 24 juin 1806 il est vénérable de cette loge et apparait dans le tableau de ses membres conservé dans les archives du fonds maçonnique à la BNF.

En Europe, Napoléon a envahi l’Espagne et cela a des conséquences sur les colons français établis à Cuba, possession espagnole. Le 10 avril 1809 le gouverneur de la région orientale de l’île, Sebastian Kindelan y O’Regan, déclare l’expulsion des français sous 40 jours.

Les colons doivent vendre leurs propriétés précipitamment et Pierre Joseph Duhulquod vendra la sienne le 12 mai 1809. Elle faisait 5 chevalées (soit environ 70 ha) et possédait 5 esclaves, il en tira 3000 pesos.2

Quelques jours auparavant il avait participé à l’évaluation de la propriété de Joseph Lange, autre colon de Sacatecas.

La Nouvelle Orléans

Pierre Joseph Duhulquod s’embarque sur un des navires à destination de La Nouvelle Orléans où de nombreux colons venus directement de Saint Domingue étaient déjà installés. D’autres émigrants choisiront de partir vers d’autres îles des Antilles (Jamaïque, Saint Thomas..) ou même vers les Etats Unis ou la France.

On retrouve Pierre Joseph Duhulquod  témoin d’un mariage à la Nouvelle Orléans dès octobre 1809.

Dans le recensement de la Nouvelle Orléans en 1810 il est mentionné avec sa troisième épouse Marthe Vercassonne et 3 esclaves. Au moins 2 d’entre eux, Julien et Sophie, avaient été achetés à Jérémie et l’ont donc suivi dans ses migrations.

De nouveau il s’implique dans la franc maçonnerie .En aout 1810 il est cité comme membre de la Loge « la Bienfaisance » (source : The Early Years of the Grand Consistory of Louisiana (1811-1815),Michael R. Poll, 32º)

More information concerning the 1811 Grand Consistory is contributed by
Albert Pike in his 1882,Official Bulletin V …..
Under the date August 13, 1810, Gabriel Jastram, 33°, member of the Supreme
Council of the 33rd degree at Kingston, Island of Jamaica, organized by the
Count de Grasse Tilley, Grand Inspector General of the 33rd degree, Grand
Commander  ad vitam , by authority and power of the Sovereign Grand Council
sitting at  Charleston in the State of South Carolina, &c., granted a Patent
to Pierre Joseph Duhalquod, P.R.S., Jean Baptiste Desbois, Rose Croix, and
others for a Symbolic Lodge in New Orleans, under the name La Bienfaisance,
to confer the degrees of Entered Apprentice, Fellow Craft and Master Mason,
of the Ancient Rite.

Dans la franc-maçonnerie il sera élevé jusqu’au 32 ème degré, le plus élevé dans le rituel écossais dans un acte du 22 juin 1811.

En 1811 il est cosignataire d’un document maçonnique :

Il a repris son activité d’horloger et dans l’annuaire de 1811 de la Nouvelle Orléans, sa boutique est indiquée au coin de Bourbon et Orléans Streets, à moins de 100 m de ce qui est aujourd’hui le lieu mythique du Jazz, Preservation Hall,  dans le Vieux Carré de cette ville.

Son travail doit être d’assez bonne qualité car il est cité dans le livre publié en 1999 par le « Museum of  Early Southern Decorative Arts » de Salem, North Carolina  . (edition summer 1999, volume XXV,p 36).

En novembre 1814, Pierre Joseph met de l’ordre dans ses affaires. Pour cela il commence par se faire délivrer des certificats de notoriété devant Me Narcisse Broutin, notaire du deuxième district sénatorial de l’Etat de Louisiane. Les documents rédigés à Jérémie (Saint Domingue) n’étant pas accessibles, ce sont des anciens habitants de cette ville réfugiés en Louisiane qui témoignent :

François Loutrel (ancien négociant, 50ans), Joseph Berquiet (propriétaire qui passa par Santiago de Cuba), Antoine Bordeaux (forgeron, 50 ans), Etienne Boyard (ancien propriétaire, 66 ans), Pierre Bertrand (ancien négociant, 62 ans), Jacques Antoine Claveaud (propriétaire passé par Santiago de Cuba, 50 ans), Pierre Cavaillé (propriétaire 56 ans, passé par Santiago de Cuba) . Ils témoignent  du décès de la première épouse de PJ Duhulquod , Louise Thérèse Contaud en 1691 et de sa fille 6 mois plus tard.

Certains de ces mêmes émigrés (Joseph Berquiet, François Loutrel, Antoine Bordeaux, Etienne Boyard, Pierre Bertrand), ainsi que François Thomas Savary (ancien commissaire de l’Etat Civil de Jérémie, 60 ans) , Augustin Poujeaux (charpentier , 51 ans), Pierre Achille Rivery (ancien notaire en la ville du Cap et trésorier de la commune de Jérémie) témoignent du décès de la seconde épouse de PJ Duhulquod, Marie Toinette Blanche Libert en1801.

De nouveau, Etienne Boyard, François Thomas Savary, Jean Baptiste Grégoire Véron (42 ans ancien greffier à Saint Domingue et passé par Santiago de Cuba), François Vigneron (55 ans propriétaire, passé par Santiago), Pierre Cavaillé, Michel Tillet ( ? passé par Santiago), Pierre Geneste (tailleur passé par Santiago) témoignent du décès de Marie Julie Dutoyac décédée à Santiago de Cuba dans les derniers jours de décembre 1803 dans la maison que Pierre Joseph Duhulquod habitait.

Les jours suivants PJ Duhulquod hypothèque deux de ses esclaves qu’il a amenés de Jérémie.

Puis il donne procuration à Claude Alexandre Garnot Delorme pour traiter ses affaires en France. PJ Duhulquod a des vues sur nombre d’héritages : héritage de son père Mathieu Joseph  Herigothie Dauteville Duhulquod dont il est l’unique héritier vivant, de Louise Thérèse Contaud sa première épouse,, de Marie Thérèse Toinette Libert sa seconde épouse, de sa sœur Marie Eugénie Duhulquod, de Pierre Joseph Matthieu Dumon ancien capitaine de navires de La Rochelle , son oncle, de Marie Dumon  sa tante, de feu Darquet Chirurgien et de son épouse, et enfin de Caillaud ex habitant de Saint Domingue son cousin.

Il espère en retirer de grosses sommes d’argent car il achète au même Claude Alexandre Garnot Delorme une maison à étage et son terrain rue Dauphine à la Nouvelle Orléans pour 2800 piastres.

Pierre Joseph continue à s’impliquer pleinement dans la vie de La Louisiane.

Celle-ci, après avoir été sous domination française suite à sa découverte, puis cédée aux Espagnols et récupérée par les français est finalement vendue par Napoléon en 1803 aux Etats Unis.

Un certain nombre de litiges surgissent entre les Etats Unis et la Grande Bretagne notamment pour des raisons de liberté de commerce, et ces deux pays vont entrer en guerre officiellement à partir du 18 juin 1812.

La bataille finale de cette guerre se jouera à la Nouvelle Orléans. (ici)

Le 2 décembre 1814 le général Andrew Jackson  (futur président des Etats Unis) arrive à la Nouvelle Orléans.

Le 16 décembre 1814 Pierre Joseph s'engage dans le Bataillon d'Orléans de la Milice de  la Nouvelle Orléans. Il y sera 3ième Lieutenant, peut être eu égard a sa précédente expérience militaire dans la Garde Nationale de Jérémie. Ce bataillon commandé par  le major Jean Baptiste Plauché (il sera appelé le « bataillon Plauché ») ainsi que d'autres volontaires parmi lesquels les pirates de Jean Laffitte, des indiens Choctaw, des hommes libres de couleur menés par Daquin et Lacoste. viendra renforcer les troupes régulières de Jackson.

Ce bataillon Plauché est composé de cinq compagnies dont la compagnie des dragons à pieds dans laquelle PJ Duhulquod sera lieutenant. (ici et ici)

Au total Jackson pourra compter sur 5000 hommes face aux 11,000 militaires Britanniques du Major General Sir Edward Michael Pakenham.

Le 8 janvier 1815 la bataille de la Nouvelle Orléans se soldera par le retrait des troupes anglaises de la Nouvelle Orléans et la victoire des troupes de Jackson.

Andrew Jackson in his post-battle report mentioned Plauché and his battalion with the following; "The battalion of city militia, commanded by Major Plauche realized my anticipations and behaved like veterans"

Ce que ne savaient pas les combattants sur le terrain c'est que la paix avait été signée le 24 décembre 1814 à Gand en Belgique entre négociateurs anglais et américains mais la nouvelle ne leur était pas parvenue. Il n'en demeure pas moins que la bataille de la Nouvelle Orléans fut considérée par les américains comme une victoire capitale.

Pierre Joseph quittera la milice le 20 mars 1815 et pour ses 3 mois et 4 jours d'engagement il touchera 150 $ et 27 cents soit 30$ par mois pour sa paie et 20 cents par ration (3 rations par jour). (cf dossier militaire aux archives nationales de Washington)

Après ces épisodes de guerre les affaires de PJ Duhulquod ne s’arrangent pas.

Malheureusement les héritages prévus en France ne rapportent pas comme escompté et Pierre Joseph, comme cela avait été prévu dans le contrat de cession, est obligé en août 1816, de rendre la propriété achetée au sieur Garnot Delorme et de payer en plus 150 piastres correspondant aux loyers qu’il a encaissés durant le temps où il a été propriétaire du bien.

Les quelques années suivantes, les affaires ne semblent pas mieux aller. Pierre Joseph et son épouse Marthe Vercassonne doivent vendre deux esclaves et une pirogue. Peut-être Pierre Joseph a dû abandonner son métier d’horloger, en tout cas le couple a déménagé dans la paroisse d’Ascension (près de Bâton Rouge) où il est recensé en 1820. Pierre Joseph y mourra le 13 novembre 1820 (sous le nom de Jean Pierre). Marthe Vercassonne qui semble avoir gardé quelque temps un domicile à la Nouvelle Orléans décèdera elle aussi dans cette paroisse le 22 mai 1841, plus précisément elle décèdera sur la plantation de Francois Marie Prévost, une des plus grosses plantations sucrières de l’époque. Ni l’un ni l’autre n’ont de descendance. Marthe Vercassonne avait fait un testament en 1829 devant Me Pollock et sa succession sera réglée dans un acte de février 1845 (« probate »). Elle ne laisse pour seul bien qu’un esclave de 35 ans.

PS : il existe probablement beaucoup de documents à Cuba ou en Louisiane, parlant de Pierre Joseph Duhulquod. Si vous en connaissez et pouvez apporter une pierrre à l'édifice, merci de me contacter via "les commentaires".

 

Notes :

1 : Elisabeth Escalle , « Francs-maçons des loges françaises aux Amériques 1770-1850 »

2 : Agnès Renault , thèse « la communauté française de Santiago de Cuba entre 1791 et 1825 » ou livre « D’une île rebelle à une île fidèle » , éditeur « Publications des Universités de Rouen et du Havre »

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